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15

Mai

2025

Handicap et succession

L’héritier d’une succession est soumis à un impôt qui varie en fonction du lien de parenté avec le défunt et d’un abattement fiscal, lequel est majoré pour les personnes en situation de handicap.

L’article 779 II du Code général des impôts accorde en effet un abattement de 159 325 € à tous les héritiers, légataires ou donataires en incapacité de travail dans des conditions normales, comme  suite à une “infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise”.

Pour profiter de cet avantage fiscal, le bénéficiaire doit démontrer une invalidité   l’empêchant d’exercer une activité professionnelle dans des conditions normales (ou, si la personne a moins de 18 ans, d’acquérir un niveau d’instruction ou de formation) : la loi n’impose aucun taux d’invalidité minimum.au jour de l’ouverture de la succession

  En revanche, l’abattement fiscal ne s’applique pas si la personne en situation de handicap :

  • Est retraitée et a bénéficié d’une période d’activité professionnelle normale ;
  • Perçoit un revenu standard (salaire ou chiffre d’affaires) ;
  • N’est pas en mesure de démontrer le lien de causalité entre son handicap et sa situation scolaire ou professionnelle

Pour justifier le handicap  et profiter de l’abattement fiscal  , la personne peut fournir :

  • Un certificat médical ;
  • Un certificat d’un établissement scolaire spécialisé ;
  • La décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) attestant que l’intéressé relève d’une entreprise adaptée, d’un établissement spécialisé ou d’un service d’aide par le travail.

Posséder une carte d’invalidité n’est pas une condition suffisante pour profiter de cet abattement.

L’abattement pour les personnes en situation de handicap est un avantage fiscal qui  possède les caractéristiques suivantes :

  • Il peut être demandé pour les donations comme les successions ;
  • Il ne dépend pas du lien de parenté entre le bénéficiaire et le donateur ou le défunt ;
  • Il se cumule avec les abattements accordés pour lien de parenté ;
  • Il s’applique aux contrats d’assurance-vie ;

Voici les abattements des personnes en situation de handicap en cas de succession :

    Enfant handicapé : 100 000 € pour lien de parenté et 159 325 € pour situation de handicap, soit un abattement total de 259 325 € ;

    Frère ou sœur handicapé : 15 932 € et 159 325 €, soit un total de 175 257 € ;

    Petit-enfant handicapé : 31 865 € et 159 325 €, soit un total de 191 190 € ;

    Oncle, tante, neveu ou nièce handicapé : 7 967 € et 159 325 €, soit un total de 167 292 € ;

    Légataire sans lien de parenté : 159 325 €.

Prenons un exemple. Vous souffrez d’un handicap. Votre mère décède et vous laisse un héritage de 300 000 €. Votre part taxable sera de 40 675 € (300 000 – 259 325). Le montant de vos droits de mutation sera de 8 135 €, au lieu de 40 000 € (300 000 – 100 000 x 20 %). Vous économisez donc 31 865 € de droits de succession.

L’abattement s’applique à toutes les mutations à titre gratuit entre vifs et par décès quel que soit le lien de parenté existant entre le défunt ou le donateur à l’héritier, au légataire ou au donataire. 

Aussi  il est tenu compte de toutes les infirmités congénitales ou acquises, existant au jour de la donation ou de l’ouverture de la succession.

L’administration précise qu’il n’y a pas à tenir compte de la nature de l’infirmité, ni de sa cause ni de son ancienneté, pourvu qu’elle existe au jour du fait générateur de l’impôt, c’est-à-dire à la date de la donation ou de l’ouverture de la succession.

Dans certains cas, l’abattement pour personne handicapée permet de supprimer les droits de mutation sur les successions et les donations. Il n’est accordé par l’administration qu’au cas par cas.

Si la personne handicapée a bénéficié de l’aide sociale départementale  les règles de succession  suivent des règles spécifiques

Le département qui a engagé des dépenses d’aide sociale au titre des frais d’hébergement et d’entretien d’une personne handicapée accueillie en établissement peut  en effet exercer un recours en récupération de ces aides sur l’actif de la succession du bénéficiaire (CASF art. L 132-8).

 Par exception, ces frais ne sont pas récupérables lorsque le bénéficiaire était handicapé et que ses héritiers sont ses enfants, son conjoint, ses parents ou une personne ayant assumé sa charge effective et constante (CASF art. L 344-5)

La Cour de cassation apporte des précisions sur la notion de charge effective et constante dans une décision du 26 janvier 2023.

En l’espèce, une personne handicapée décède après avoir été hébergée pendant cinq ans dans un foyer d’accueil médicalisé. Le département notifie à sa sœur, héritière, sa décision de récupérer sur la succession la somme de 270 654,47 € au titre de l’aide sociale versée pour la prise en charge des frais de séjour et d’hébergement en établissement. Elle saisit les tribunaux.

Les juges rejettent partiellement son recours, limitant le montant de la récupération à 90 000 €. Ils considèrent que l’assistance prodiguée relève de l’attachement familial et de la loyauté entre membres d’une même famille et ne peut avoir pour effet de faire échec à l’action du département dont le financement est assuré par les impôts versés par la collectivité nationale.

Censure de la Cour de cassation, qui rappelle d’abord le principe de la récupération des aides sociales et son exclusion lorsque l’héritier du bénéficiaire décédé est la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée. Elle indique ensuite que la charge effective et constante s’entend d’un engagement régulier et personnel de l’héritier auprès de la personne handicapée, placée en établissement, tant d’ordre matériel qu’affectif et moral.

La Cour relève que l’intéressée a produit aux débats de très nombreuses attestations établissant qu’elle s’est beaucoup occupée de sa sœur pendant les 25 années qui ont suivi l’accident de circulation à l’origine du handicap de celle-ci et qu’elle a été présente, ainsi que ses proches parents, de façon régulière pour soutenir affectivement et sur le plan pratique la bénéficiaire.

En outre, la Haute Juridiction souligne que la commission départementale d’aide sociale, approuvée par  les juges, a réduit le montant du recours, reconnaissant ainsi que l'héritière avait assumé de façon effective et constante la charge de la personne handicapée.

La Cour de cassation, qui a repris le contentieux de l’aide sociale au 1er janvier 2019, rejoint ainsi la jurisprudence de la Commission centrale d’aide sociale, qui considérait que la charge effective et constante de la personne handicapée s’entend d’un engagement actif et continu envers elle, notamment d’ordre affectif (notamment, CCAS 5-2-2001 n° 981542 : BO Cahier jurisprudence aide sociale n° 2001/8).

La portée de la solution s’étend aux autres aides sociales pour les personnes handicapées (prestations à domicile, aide médicale à domicile, aide ménagère), ces aides n’étant pas non plus récupérables auprès de la personne ayant assumé la charge effective et constante de la personne handicapée (CASF art. L 241-4).

 Ainsi est affirmé le prix  que la société reconnait au service rendu par l’accompagnant de la personne handicapée au moment  du décès de cette dernière  .

Est surtout mis en valeur, non pas seulement l’aide matérielle, mais la continuité d’un soutien moral et affectif à la personne fragilisée.

 Ces décisions récentes prises   par la plus haute juridiction de France  sont un pas de plus vers la reconnaissance d’un véritable statut de l’aidant.

Synthèse effectuée par Dominique CIAVATTI, présidente d’AUDIENCE ASSOCIATION 

 


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